A Nantes, une sans-papiers cueillie à sa sortie d'hôpital
Une Congolaise et son enfant de 6 ans ont été expulsés vers
les Pays-Bas.
Par Nicolas de la CASINIERE
Extrait du journal « Libération »
Prostitution. Sa
demande d'asile a effectivement été déposée aux Pays-Bas, mais la jeune femme
et son fils s'étaient justement réfugiés en France pour échapper à un réseau de
prostitution dans ce pays. Assignée à résidence dans un hôtel nantais, elle
avait alerté le Samu, le 19 octobre, pour des malaises. Après avoir été
examinée par un praticien de SOS Médecins, elle avait été transférée aux
urgences par les pompiers. Son expulsion lui est annoncée pour le lendemain.
Elle manifeste alors une grande détresse psychologique, est prise de
vomissements et crache du sang.
Le gérant de l'hôtel a averti la
police de son admission aux urgences. Pour ne pas patienter devant l'hôpital,
la police aux frontières (PAF) demande à un agent d'accueil de l'alerter juste
avant la sortie de la jeune femme. Un coup de fil prévient effectivement la PAF dans la nuit de jeudi à
vendredi. Embarquée aussitôt, Nicole Masese est conduite là où elle avait
laissé son enfant en garde. Après un rapide passage à l'hôtel pour récupérer
des bagages, ils sont dirigés vers l'aéroport et expulsés sur-le-champ.
«Outrée». L'émoi
est vif au sein du personnel hospitalier, même si certains considèrent comme
normal de livrer ce type de renseignement à la police. Le personnel hospitalier
n'a aucune directive à ce sujet, aucune obligation administrative, mais le
directeur général adjoint de l'hôpital fait savoir que, «s'il y a un ordre
de la police, on doit obéir». Même si le droit du travail ne prévoit
aucunement cette obligation. La
CGT de l'hôpital se dit «outrée» : «On se
croirait soixante ans en arrière !» La CFDT ne partage pas
l'indignation : «Le CHU n'est pas complice et ce n'est pas de la
délation, explique Catherine Olivier, secrétaire de la section de
l'hôpital. Le dossier médical mentionnait "première personne à
prévenir :la PAF".
Le directeur de garde aux urgences a donné l'autorisation de l'appeler. Le
personnel était couvert. La patiente était consentante et la procédure
policière enclenchée avant l'entrée aux urgences.» L'émotion est tout
autre au sein du collectif Enfants Etrangers Citoyens solidaires, qui suivait
la jeune femme et son enfant : «On sait aujourd'hui que même l'hôpital et
ses abords ne sont plus un havre de paix pour les plus fragiles d'entre tous.»